Testimone di una guerra "pulita" - di Christine Amina Djaouad

L'URANIUM APPAUVRI
http://www.cot81.com/uranium/uranium.htm

Témoin d'une guerre "propre"
par Christine Amina Djaouad
(Extrait du site http://www.humanite.presse.fr)

  Irak. Lors de leur intervention contre l'Irak en 1991, les armées occidentales utilisèrent des armes à uranium appauvri. Longtemps occultée, la dangerosité de ces munitions commence à apparaître.

 Huit ans après la guerre du Golfe, Jean-Marie Benjamin, prêtre, reporter et fonctionnaire international, a mené l'enquête. Il rapporte les tortures infligées à tout un peuple par l'embargo. Surtout, il verse de nouvelles pièces au dossier " top secret " de l'utilisation des armements fabriqués avec de l'uranium appauvri.

 Rappel des faits. En 1991, l'armée américaine et ses alliés occidentaux bombardent massivement l'Irak à la suite de l'invasion du Koweït par l'armée de Bagdad. L'ONU ordonne un embargo total contre l'Irak. Dans les années qui suivent, Bagdad enregistre une montée alarmante des cas de cancers et de leucémies. Aux USA et en Grande-Bretagne, des soldats ayant fait la guerre contre l'Irak sont victimes d'un mal inexpliqué, baptisé " syndrome du Golfe ". Des premières indications sont données sur l'usage de munitions à uranium appauvri.

 Son bâton de pèlerin, c'est un livre. Le père Jean-Marie Benjamin, son ouvrage Irak, l'apocalypse (1) sous le bras, veut faire partager au public le plus large son indignation et son inquiétude. Indignation face à un embargo qui a fait plus de un million et demi de morts en dix ans, principalement des enfants, et son inquiétude quant à l'utilisation d'uranium appauvri dans les armements et leurs effets sur les populations et l'environnement. Deux sujets lourds qui ont beaucoup de mal à passer la porte de certains médias (2). Musicien, compositeur et chef d'orchestre, fonctionnaire de l'UNICEF dont il a composé l'hymne, ordonné prêtre à l'âge de quarante ans, Jean-Marie Benjamin est secrétaire général de la fondation culturelle Beato Angelico à Assise (Italie). Dans le cadre de ses activités culturelles, il crée une société de production de films. Après avoir réalisé un long métrage, la Nuit du prophète, sur la vie du célèbre padre Pio, qui a remporté un vif succès en France et en Italie, " nous nous sommes dit que nous pourrions mettre nos moyens culturels au service de l'humanitaire et du solidaire ", explique-t-il.

 C'est ainsi qu'est née l'idée de se rendre en Irak. Avec deux objectifs : un documentaire sur les sites historiques les plus importants, " berceaux de notre civilisation ", et un travail sur l'embargo. " Quand nous sommes arrivés dans le sud (en avril-mai 1998), nous raconte-t-il, on nous a recommandé de ne pas toucher les morceaux de tanks, armements et autres métaux pour raison de radioactivité. Au début, on n'y a pas cru. Puis, à Bagdad, on a commencé à chercher des informations et des témoignages. En rentrant, nous avons poussé nos recherches auprès de scientifiques et nous avons finalement monté le documentaire. "

 De retour en Italie, Jean-Marie Benjamin dénonce vivement la désinformation qui parle de " guerre propre, missiles intelligents, etc. ", et présente une trentaine de conférences dans toute l'Italie. Il assiste en décembre 1998 au symposium international de Bagdad sur les armes à l'uranium appauvri et se trouve sur place lors des bombardements. " Nous avons filmé les bombes la nuit et les désastres le jour, dit-il. · mon retour, le 21 décembre, j'ai été scandalisé d'entendre sur toutes les ondes qu'il n'y avait eu que 66 morts, une guerre bien propre ! Nous, nous avons filmé des couloirs d'hôpitaux remplis de gens brûlés atrocement, sans une aspirine, sans un antibiotique, sans un analgésique à leur administrer ! On bombarde un pays soumis depuis neuf ans à un embargo impitoyable, sur lequel sont déjà tombés 135 000 tonnes de bombes dont près d'un million de munitions à l'uranium appauvri, et on ose parler de guerre propre ! "

 Lutter contre la désinformation, c'est ce que fait Jean-Marie Benjamin en écrivant alors Irak, l'apocalypse. Il y est question de l'histoire de l'Irak, ancienne et contemporaine, de la paralysie de l'ONU dominée par les Etats-Unis, des intérêts pétroliers, des actions de la CIA en Irak, tous sujets rigoureusement abordés et s'appuyant sur une très sérieuse documentation. Mais c'est sans aucun doute sur les questions d'armement que cet ouvrage retiendra le plus l'attention. La stratégie des " marchands de la mort " depuis les années 1960 est minutieusement détaillée, particulièrement pour ce qui concerne le Moyen-Orient, pays par pays, chiffres à l'appui. L'arsenal chimique, biologique, électronique utilisé en Irak puis en Yougoslavie y est largement décrit. Et plus encore, Jean-Marie Benjamin ose rompre le silence quasi total qui pèse sur l'utilisation des armements fabriqués avec de l'uranium appauvri.

  " La vérité sur la contamination radioactive du sud de l'Irak a mis plusieurs années à se faire entendre. Les pressions et intimidations exercées par le Pentagone américain et le ministère britannique de la défense sur les anciens combattants de ces deux pays, contaminés par milliers durant la guerre du Golfe, ont été si fortes que ceux-ci ont fondé de nombreuses associations pour se défendre, nous dit-il. Aujourd'hui, l'administration américaine et les autorités britanniques ont décidé de nommer des commissions d'enquête dont les rapports confirment la contamination des personnes, des eaux, de la végétation, des animaux et de l'air en Irak, au Koweït et dans les pays limitrophes. " La publication de longs extraits de ces rapports officiels ne permet plus de mettre en doute les effets radioactifs de ces munitions lorsqu'elles explosent au moment de l'impact à très haute température (oxydation pyrophorique).

 Preuve en est, l'expérience de nettoyage du sable contaminé au Koweit, notamment sur la base américaine de Doha (Koweit). Le rapport du Comité des services de l'armée auprès du Congrès américain (US House of Representatives Committee on Armed Services, Office of the Director of Defense Research and Engineering) daté du 15 août 1991, est en soi un aveu : " Afin d'organiser le nettoyage du sable contaminé par l'uranium appauvri dans le KTO (Kuwait Theater of Operations), plusieurs facteurs doivent être examinés. [...] . Dans les situations de combat où les munitions à l'uranium appauvri sont utilisées à outrance, le potentiel d'inhalation, d'ingestion ou d'implantation de composés d'uranium appauvri est important localement. La guerre aérienne dans le KTO peut probablement être considérée comme une utilisation à outrance de l'uranium appauvri capable de produire localement des concentrations importantes. Les chiffres concernant les quantités d'uranium appauvri répandu au cours de l'opération Tempête du désert par les avions de combat A-10 sont secrets. [...] La raison pour laquelle ces informations sont importantes est que, lorsque l'uranium appauvri touche une cible dure comme un véhicule blindé, de nombreuses particules d'uranium sont formées au moment de l'explosion et il y a une très forte oxydation. Evidemment, ces particules sont radioactives et peuvent être déplacées dans l'environnement par le vent et l'eau. "

 De son côté, le Commissariat britannique à l'énergie atomique (United Kingdom Atomic Energy Authority) a révélé plus tard que plus de quarante tonnes d'armes à base d'UA ont été utilisées durant la guerre du Golfe. Les mêmes avions A-10 Warthog (" phacochères ", surnommés par les GI's américains tank-busters, les " tueurs de chars ") sont massivement intervenus durant la guerre de Yougoslavie, chargés des mêmes munitions. En 1997, interrogé par Dan Fahey, responsable de l'importante association américaine Swords to Plowshares, et membre du comité de direction du National Gulf War Resource Center, le bureau du Secrétariat à la défense de Washington répondait à cinq questions écrites précises concernant : la quantité de munitions UA tirées par les avions A-10, les chars M1, M1A1, M60 et Challenger britanniques, les véhicules de combat Bradley, etc., avant, pendant ou depuis Tempête du désert en Arabie Saoudite, au Koweït et en Irak ; la quantité d'UA récupérée sur les champs de bataille et les moyens de protection donnés aux soldats américains.

 Les réponses publiées par Jean-Marie Benjamin sont édifiantes. On notera avec intérêt que " le Koweït a accordé des contrats à des organisations privées des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni, du Bangladesh, du Pakistan, de Turquie et d'Egypte pour le nettoyage du champ de bataille ". Mais plus encore : " Les procédures à adopter en cas d'incidents relatifs à l'UA se trouvent dans le bulletin de l'armée TB-9 1300-278 (3).

 Evidemment, le champ de bataille est un environnement dangereux et le commandant des opérations doit évaluer les périls auxquels ses troupes doivent faire face. Par exemple, le traitement des soldats blessés au cours d'incidents relatifs à l'UA ne doit subir aucun retard puisqu'il y a le risque de contamination sur les vêtements. [...] Le premier rapport sur la question, le Medical and Environmental Evaluation of Depleted Uranium Report, publié en 1974, avertissait des dangers de l'UA. L'armée avait fourni des directives concernant la manipulation des munitions et le traitement d'incidents relatifs à l'UA dans le TB-9-1300-278. Les instructions étaient disponibles ; cependant, comme le dit un rapport du GAO (organisme gouvernemental de contrôle de l'Etat) de 1993 intitulé Army not adequately Prepared to Deal With Depleted Uranium Contamination (" L'armée n'est pas correctement préparée au traitement de la contamination par uranium appauvri "), la communication des directives au cours des programmes de formation des soldats et des commandants était inadéquate. "

 De nombreux autres documents et témoignages de militaires, de scientifiques et de vétérans viennent confirmer les dangers des armes à l'UA aujourd'hui détenues sous toutes les formes par une trentaine de pays. Récemment encore, l'équipe de scientifiques de l'agence de l'ONU pour la protection de l'environnement (UNEP), envoyée en Yougoslavie pour enquêter sur les effets écologiques de la guerre, a vivement protesté contre l'utilisation des armes à l'uranium appauvri. Ramsey Clark, ex-ministre américain de la Justice qui mène une campagne internationale pour l'interdiction de l'uranium appauvri dans la production civile et militaire, est également l'auteur d'une pétition présentée aux organisations internationales pour traduire les Etats-Unis d'Amérique et les principaux protagonistes des guerres d'Irak et de Yougoslavie devant un tribunal international, pour crime contre l'humanité.

  (1) Irak, l'Apocalypse, Jean-Marie Benjamin, éditions Favre, 119 francs.
  (2) Voir l'Humanité Hebdo du 10-11 avril 1999, enquête de Christine Abdelkrim-Delanne.
  (3) Idem.

Amina Djaouad