Uranio impoverito: si rompe l'omertà? di Christine Abdelkrim-Delanne

L'URANIUM APPAUVRI

Uranium appauvri : Le silence enfin brisé ?
par Christine Abdelkrim-Delanne

(Extrait du site http://www.humanite.presse.fr)
 
  Une campagne internationale a été lancée contre l'utilisation civile et militaire d'uranium appauvri. Curieusement, c'est un sujet presque tabou en France.
  Quatre-vingt-dix minutes. Canal Plus, 22 h 10.

  Le silence qui pèse en France sur la question de l'utilisation d'uranium appauvri dans l'armement est-il en passe d'être brisé ? Le documentaire très fouillé programmé par Canal Plus pourrait en tout cas y contribuer.

  Dès 1991, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, sous la pression des vétérans de la guerre du Golfe, au cours de laquelle des munitions de ce type ont été utilisées pour la première fois, articles de presse, documents, témoignages, rapports scientifiques et autres émissions télévisées ont alerté l'opinion publique. En mai 1991, un rapport du département américain de la Défense reconnaissait " la possibilité d'effets nocifs sur la santé, en premier lieu par la contamination de l'eau ". En 1993, le ministre britannique de la Défense révélait devant son parlement que son pays avait testé des armes UA sur le site d'essais de Gramat, dans le Lot. L'affaire resta secrète chez nous. En France, depuis dix ans, peu de choses ont été dites ou écrites sur le sujet. En 1994, la revue Damoclès révélait que le char Leclerc portait des " projectiles flèches " en tungstène ou en uranium appauvri.

  Bruno Barillot, son directeur, indiquait également que le rapport annuel 1994 de l'Observatoire national des déchets radioactifs notait la présence à l'établissement technique de Bourges " de déchets résultant de tirs d'essai d'obus-flèches à l'uranium appauvri ". En juillet 1995, VSD publiait une enquête sur l'importation en France de 75 tonnes d'uranium appauvri pour la fabrication de munitions. Les questions posées restaient sans réponse. En juillet 1995 également, le Monde diplomatique publiait un long article, sous la plume de Naïma Lefkir et Roland Lafitte, qui venaient d'assister au premier symposium international en Irak sur les conséquences écologiques de la guerre du Golfe. Ce fut tout.
 
 Quelques jours après le déclenchement de la guerre de Yougoslavie, les fameux avions A10 " tueurs de chars " entrèrent dans la bataille. De
 redoutables engins de combat armés d'obus de 30 mm faits d'uranium appauvri, qui se sont " brillamment " illustrés en détruisant, entre autres, 50 % de l'armée irakienne mais aussi de nombreux édifices civils comme l'abri d'Almeria, à Bagdad, où périrent plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants. L'idée d'alerter la presse s'est alors imposée. Mais il fut rapidement évident que cela ne serait pas facile. Hormis trois titres (1) et, il faut le reconnaître, quelques dépêches de l'AFP non exploitées, le black-out fut total. Pensée unique oblige, tout comme lors de la guerre du Golfe, la diabolisation des Serbes et la volonté quasi unanime de réduire cette guerre à un affrontement entre bons et méchants ne laissait aucun espace à une telle information. Au-delà du scepticisme de ceux qui n'avaient jamais entendu parler de cette question, il y avait l'idée très forte que dénoncer l'utilisation de munitions à l'uranium appauvri par les forces britanniques, américaines et sans doute françaises - il est temps que cela soit dit - signifiait " soutenir les Serbes " et prendre le risque d'" influencer " l'opinion publique. Les réponses furent plus ou moins élégantes, allant du " c'est trop énorme, si c'était vrai, on en aurait déjà entendu parler ! " du rédacteur en chef d'un grand hebdomadaire politique, au très poli et imparable " nous n'avons pas de place dans nos colonnes " d'un grand quotidien, dont le spécialiste en armement ne cachait pas son admiration pour ces " petites merveilles de technologie " appelant de tous ses voux l'intervention des hélicoptères Apaches, chargés eux aussi, d'obus UA. Sans oublier le " formidable ! Je vous rappelle, il faut absolument que vous me racontiez ça ! " très convaincu et enthousiaste d'un célèbre confrère présentateur d'une non moins célèbre émission sur les ondes de Radio France... malheureusement resté sans suite. Aujourd'hui, la guerre de Yougoslavie est terminée mais il y en a d'autres et le nombre de pays qui possèdent ce type d'armement ne cesse de croître. Une campagne internationale a été lancée pour interdire l'utilisation militaire et civile de l'uranium appauvri. Les autorités françaises continueront-elles à se taire ?

  (1) Sud-Ouest, l'Humanité et le Monde diplomatique.

Christine Abdelkrim-Delanne